La réforme cubaine

Le 1er janvier 2021 était certes un jour particulier pour beaucoup, mais pas autant que pour le peuple cubain. Ce dernier a été qualifié d’historique, on l’appelle le « jour zéro ».

Unique au monde, le système monétaire cubain reposant sur deux monnaies : le peso cubain ou CUP et le peso convertible ou CUC.

Le CUP vaut actuellement 24 fois moins que le dollar, 1 dollar est égal à 24 pesos cubains. Le peso convertible est quant à lui fixé sur le dollar, quel que soit le cours du dollar ; un CUC sera égal à un dollar. Mis en place en 1994, le CUC avait pour but afin de lutter contre le dollar qui circulait activement au sein de l’île. À l’origine, le peso convertible était utilisé pour les produits de luxe, les touristes ou les importations. La monnaie, subventionnée par l’Etat permettait des importations à moindre coût. Un CUC est alors équivalent à 24 CUP.

 

Même si le CUC a permis d’ouvrir Cuba au marché international, l’écart de poids entre ces deux monnaies a amplifié les inégalités. Au fil du temps, le peso convertible est devenu la monnaie la plus utilisée. Les fonctionnaires d’Etat payés en CUP se voient alors désavantagés face à ceux faisant payer leurs services en CUC, c’est le cas des chauffeurs de taxi ou des restaurateurs.
Ce système à deux monnaies a fait naître une nouvelle classe sociale : une communauté d’entrepreneurs, beaucoup plus riche que les fonctionnaires d’Etat.

Le débat traîne depuis plus de 10 ans, mais cette année, particulièrement difficile pour Cuba a forcé le gouvernement à prendre des initiatives. La politique protectionniste menée par Donald Trump a fortement ralenti l’industrie locale. Par ailleurs, la quasi-absence de tourisme a fortement pesé sur l’économie, d’autant plus que le tourisme est l’un des principaux créateurs de richesse (15 % du PIB en 2015). Pour ne rien arranger, ce manque d’affluence crée un manque considérable de devises. Cuba conclue l’année avec un recul du PIB de 11 % : la pire chute depuis la dislocation du bloc soviétique.
Le 4 décembre dernier, le président Miguel Diaz-Canel annonça que les pesos convertibles commenceront à être retirés de la circulation à partir du 1er janvier 2021 et disparaîtront complètement en juin 2021.


Une dévaluation rend à la fois les importations plus coûteuses, les exportations plus compétitives et plus investissements étrangers sont prévus. Le gouvernement souhaite expandre son marché à l’international. À court-terme, cette dévaluation risque de générer une inflation importée. Effectivement, Cuba est dépendante des importations en hydrocarbure, 53 % de sa consommation domestique est fournie par des producteurs étrangers. Une augmentation du prix de l’énergie a un impact global, le gouvernement cubain a imposé au secteur privé une limite de hausse des prix de 300 %. Le prix pour 100 kilowatts/heure devait passer de 9 pesos (0,33 dollars) à 40 pesos (1,50 dollars).
-En 1963, Fidel Castro mis en place dans chaque foyer un carnet d’approvisionnement nommé libreta. Celui-ci permet de bénéficier de produits de premières nécessités à moindre coût dans des magasins d’Etat : les bodegas. Après la réforme, le prix d’un pain de 80 grammes a vu son prix multiplié par vingt.

Vous pouvez imaginer que cette décision n’a pas été sans réaction. Le gouvernement a finalement revu le coût de l’électricité à la baisse. Une réforme salariale a aussi été instaurée, instaurant 32 barèmes selon le type d’activité professionnelle, un plafond de revenus à 9.510 pesos (396 dollars) et un minimum à 2100 pesos (87 dollars). Le salaire minimum a donc augmenté de 525 % et les retraites de 450 %. Pour vous donner une idée de ces barèmes, les plus hauts salaires sont ceux des gouverneurs avec 396 dollars. Un médecin reçoit un salaire équivalent à 210 dollars, autant qu’un dresseur d’animaux de cirque.


Le moment paraît mal choisi pour une réforme de cette envergure, mais le pire était de ne rien faire. Le pari est certes risqué, mais « le gouvernement a pu voir la crise du Covid-19 comme une opportunité. L’économie a déjà plongé, il est donc possible que les effets de cette réforme soient ressentis moins durement par les Cubains qui connaissent déjà une hausse des prix et des pénuries à cause de la pandémie » nous annonce l’économiste Jérôme Leleu. Cette révolution raisonne comme la fin d’une omniprésence de l’Etat dans l’économie, mais les conséquences sont encore méconnues.

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